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Chaque jour, tout est à recommencer, d’où la force des habitudes et rituels, comme celui de la salle – de – bain le matin. Dans la vidéo « 7 minutes dans une pièce humide », Rafaële Ide mêle séquences filmées en couleur à des photographies passées au filtre bleu puis couvertes de papier calque, avec un carré découpé au milieu, à de petits textes manuscrits et en prose, qui accompagnent l’image tout en refusant d’en être la légende. L’interaction texte/image est ici proche du livre d’artiste, un concept cher à Rafaële Ide. Les textes décrivent les sensations accompagnant les gestes quotidiens, servent de repérage en appuyant la linéarité, les étapes du mouvement. Chaque matin, au réveil, il faut se recomposer, rassembler les morceaux épars de nos identités,  pensées, souvenirs, repères, revivre l’expérience de reconnaissance dans le miroir. Un miroir faussé ici, puisqu’il s’agit du reflet du visage dans le carrelage structuré au mur de la salle de bain. La pesée a ici encore une place prédominante, la caméra descend le long des jambes pour zoomer sur les aiguilles de la balance, comme pour confirmer la présence du corps à soi-même et son poids dans le monde, mesure aussi de l’image projetée de soi vers l’extérieur. Quelques dessins et collages relèvent les étapes, forcent la vidéo à s’arrêter encore un peu sur l’image, avant que le film reprenne son cours, minute par minute, sept minutes exactement, avec vingt et un dessins et photos. La caméra subjective crée une immersion totale dans cet espace clos, l’observateur devient lui-même ce corps en train d’effectuer son rituel de la toilette, minutieusement, en détachant bien chacun de ses gestes. L’expérience, visuelle pour le spectateur, devient tactile grâce à la contiguïté avec son propre vécu, il sent le savon lui glisser des mains et la douceur du nid d’abeille posé sur sa joue. Seule la dernière séquence vient rompre l’intimité en introduisant une caméra objective filmant le personnage assis dans le bus par en dessous, le temps soudain n’est plus aussi perceptible, le bruit des voix et du trafic annonce une autre réalité qui demeure cependant extérieure à l’image, offerte seulement par l’intermédiaire du regard mouvant du personnage, entièrement absorbé dans et par ce qui se passe autour de lui, son corps pris en charge par le transport public. 
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Astrid Fassbender
(Extrait)
2006

© Astrid Fassbender
 
7 minutes 
photos, transferts, textes
Série limitée à 8 exemplaires